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162 CHAPITRE IL — ANALYSE DE L ILIADE

le désespoir et les lamentations touchantes d'Andro- maque. La beauté incomparable de ce long récit est dans la vérité et la force des sentiments, dans la variété des péripéties qui naissent sans apprêt de la suite naturelle des événements, dans la manière puissante dont le poète fait valoir les grandes situa- tions dramatiques et marque les phases principales de l'action. C'est le chant le plus pathétique de V Iliade et il n'en est aucun qui porte à un plus haut degré les caractères distinctifs des parties primi- tives. Gomme dans le chant de la Querelle^ le poète se contente du plus petit nombre possible de per- sonnages : il lui suffit de deux hommes qu'il met face à face pour composer et dérouler sous nos yeux le drame le plus émouvant et le plus rempli*. Ce récit de la Mort d'Hector est visiblement le noyau de VAchilléide^ et les parties suivantes, c'est-à-dire la fin du poème, de même que les parties précédentes, semblent y avoir été ajoutées postérieurement.

��1. Les quelques allusions, réelles ou apparentes, qui, dans le XXII* livre, se rapportent à diverses parties de VIliade, ne prouvent rien contre rautériorité de ce chant. Les vers 46-52 ont pu être introduits après coup, lorsque VIliade fut complète, pour rappeler la mort de Lycaon et de Polydore; mais il ne me parait pas impossible non plus qu*ici comme ailleurs l'allusion apparente ait précédé le passage auquel elle paraît se rapporter et lui ait donné naissance. II eu est de même des vers 100-103, qui semblent viser la scène du XVIII* livre où figure Polydamas; mais cette scène, dans le récit où elle est intercalée, ne tient à rien ; n'est-il pas vraisemblable qu'elle a été faite après coup d'après les vers de la Mort d'Hector qui semblent aujourd'hui destinés à la rappeler? — En revanche, je crois que le XXII« livre est postérieur aux Adieux d'Hector et d'Andromaque du VI«. Le vers 105 du XXII« livre me paraît évidemment emprunté au vers 442 du YI«; la relation in- verse n'est pas possible; car le sentiment ici exprimé est plus complètement juste au VI« livre qu'au XXII«.

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