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258 CHAPITRE IV. — L'ART DANS I/ILIADE

Ces observations s^appliquent à tout le poème; et toutefois il y a aussi , dans cet ordre d'idées, des difTérences notables entre les parties anciennes et les nouvelles. Dans les parties anciennes, les dieux n'interviennent que par des actes importants. Au livre I, Apollon lance ses traits sur les Achéens pour venger son prêtre, Athéné arrête Achille au moment où il va tirer l'épéc contre Agamemnon, Thétis vient se concerter avec lui pour assurer sa vengeance ; ce sont autant de scènes dramatiques et de moments de l'action. En outre le merveilleux y est à la fois grandiose et discret ; point de description pompeuse ; les dieux se révèlent par un seul signe et sont reconnus seulement de celui à qui ils ont affaire.

« Tandis qu'Achille roulait ces pensées dans son âme, et que déjà il lirait du fourreau sa longue épée, Athéné vint à lui, descendant du haut des airs; elle était envoyée parHéré, qui avait même affeclion et même sollicitude pour les deux héros. Elle s'arrêta debout derrière lui, et posant la main sur sa blonde chevelure, elle lui apparut à lui seul: aucun autre ne pouvait la voir. Achille fut saisi de surprise; il se retourna et aussitôt reconnut Athéné: car les yeux de la déesse lan- çaient des éclairs *. »

C'est là l'antique et simple manière; mais il arriva pendant la croissance de V Iliade^ qu'à force de faire inlervenir les dieux, les aèdes finirent par s'aperce- voir que le merveilleux était par lui-même un orne- ment très propre à relever certaines parties du récit; et peu à peu, ils en firent usage comme d'un moyen connu et commode, soit pour se donner l'occasion de descriptions brillantes, soit pour remplir des vides, soit tout simplement pour ajouter un agrénient de

1. Iliade, I, 193 cl suiv.

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