Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XIX
PRÉFACE

et dans les premières années du XIXe. Les trois siècles précédents avaient surtout vu dans les choses ce qu’elles ont de général, de simple, de permanent. Mais peu à peu l’expérience avait découvert que la réalité ne se réduit pas si facilement à des formules immuables et raides, que la vie est plus riche, plus variée, plus changeante qu’on ne le croyait. Les voyages, la connaissance et la comparaison d’un plus grand nombre de littératures, l’attention donnée aux poésies populaires, l’étude des arts, le mouvement général des idées, la philosophie, tout, depuis un demi-siècle, préparait cette transformation qui brusquement à la fin éclate de tous côtés, en France et en Allemagne, par des manifestations à la fois diverses et concordantes.

En France, ce ne sont pas les érudits ni les critiques de profession qui l’accomplissent : ce sont des poètes, des hommes d’imagination. André Chénier est un précurseur de l’esprit nouveau. Fils d’une mère grecque, il n’a pas seulement appris l’antiquité dans des livres ; il la sent et il l’aime parce qu’il est de même race ; une affinité mystérieuse et profonde fait tout de suite reconnaître, dans ce Français du xviiie siècle, un descendant légitime de Théocrite. Par lui, l’antiquité grecque se rapproche de nous ; elle sort de la froide région pédantesque où son ombre seule survivait ; elle reparaît vivante et toujours jeune. Quelques années auparavant, un Marseillais, Guys, était allé en Grèce, et en avait rapporté un livre intitulé Voyage de la Grèce, ou