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514 CHAPITRE XI. — LES TRAVAUX ET LES JOURS

en eux des traits individuels, des sentiments ardents ou délicats, un caractère même, en un mot tout ce qui constitue la personnalité et tout ce qui appelle l'intérêt.

Cette personnalité, Hésiode, bien fidèle en cela aux instincts helléniques, sait la créer en quelques mots, par une indication nette et sûre, sans em- phase et sans effort. Sont-ce de simples fantômes par exemple que ces deux vierges gracieuses et indignées qu'il nous représente, dans un passage cité plus haut, abandonnant la terre qui n'est plus digne de les garder? L'une est la Pudeur, l'autre l'Indignation ; mais qu'elles ressemblent peu à ces allégories subtiles et froides dont la poésie du moyen âge croyait s'enrichir aux dépens de l'Ecole ! Point de descriptions ingénieuses, point d'allusions recherchées ; rien qu'une vision, une délicieuse vision de poète, et de poète grec, l'esquisse d'un mouvement aussi simple que gracieux, deux di- vinités fuyant à travers les airs, enveloppées dans leurs longs voiles blancs; et dans cette esquisse la tristesse d'un exil éternel, une douleur pleine de confusion , admirablement indiquée par le geste si noble et si féminin des deux fugitives qui se voilent le visage.

Le personnage de Diké ou de la Justice, mis en scène à plusieurs reprises dans la première partie des Travaux^ n'est pas moins remarquable à cet égard. Si Hésiode avait voulu en faire une représen- tation trop exacte de Tidée abstraite qu'elle person- nifie, toute vie et toute poésie lui échappait. Mais son nom suffit à définir son rôle; et, sans aucune préoccupation scolastique, ce sont uniquement ses sentiments qu'il nous décrit, et c'est par là qu'il nous louche. Les violences des hommes, c'est elle

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