Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/573

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du talent descriptif d’Hésiode. Ce qui lui est propre en effet, c’est qu’il ne décrit rien sans se faire connaître lui-même involontairement : il ne dit pas un mot qui ne découvre l’homme. Écoutons-le nous parler de l’hiver. Le vent souffle, une pluie glacée tombe incessamment :

« Aie bien soin, dit-il, de faire ce que je t’enseigne pour préserver ta santé. Revets-toi d’une molle tunique de laine et d’un second vêtement chaud qui couvre tout le corps ; il faut que la trame en soit très épaisse par rapport à la chaîne. Enveloppe-toi de ce vêtement, de peur que le froid ne fasse frissonner le poil sur tes membres et ne le hérisse sur tout ton corps. Mets tes pieds dans des chaussures faites du cuir d’un bœuf assommé ; qu’elles soient bien adaptées, et que le poil de la bête soit tourné en dedans ^ »

Evidemment ce moraliste qui s’interrompt ainsi pour faire de l’hygiène n’est pas un poete qui décrive pour le plaisir de décrire ; chaque détail ici est un trait de caractère : le seul vers sur le rapport de la trame avec la chaîne révèle Hésiode. N’en est-il pas de même encore lorsque, après l'hiver, il nous décrit l'été ? Un autre que lui nous peindrait l’aspect des champs desséchés, les troupeaux réfugiés à l'ombre des grands arbres, les rivières réduites à un mince filet d’eau. Qui ne connaît les beaux vers de Virgile :

Jam rapidus torrens sitientes Sirius Indos
Ardebat coelo, et médium sol i^meus orbem
Hauserat ; arebant herbae, et cava flumina siccis
Faucibus ad limum radii tepefacta coquebant*.

Mais Hésiode ne se soucie point de ce qui se passe aux Indes, que d’ailleurs il ne connaît pas ; il n’a pas

1. Travaux, v. 536 et suiv.

2. Géorg., IV, 425.