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POESIE DE LA NATURE 525

à cette question, et ce passage est un de ceux qui ont le plus provoqué les doutes de la critique : je veux parler de la description du mois Lénacon \ Celte description débute par un admirable morceau, où est représentée la violence du vent Borée :

« Pendant tout le mois Lénœon, série de jours mauvais, funestes au bétail, sois sur tes gardes, défie-toi des gelées qui causent tant de soucis lorsque Borée souftle au loin à travers la terre. Du fond de la Thrace, nourricière de chevaux, il s*ëlance sur la vaste mer; un mugissement remplit la terre et les forêts ; les chênes à la cîme élevée et les sapins touffus, saisis par lui dans les gorges de la montagne, tombent sur le sol fécond; la clameur immense de la forêt moute vers le ciel. Les bêtes sauvages frissonnent, et ramènent leur queue sous leur ventre... »

Voilà assurément de la plus haute poésie. Mais soudain ce bel élan s'arrête, et dans une comparai- son des plus singulières le poète se demande quels sont les animaux qui ne souffrent pas du froid. Les bétes fauves ont froid, le bœuf, malgré son cuir épais, a froid aussi, les chèvres sont glacées à tra- vers leur long poil; seul, le mouton est préservé par sa toison. Une fois entré dans les détails, il n'en sort plus, et les images se succèdent avec une cer- taine confusion: le vieillard courbé sur son bâton, la jeune fille qui travaille dans la maison auprès de sa mère ; puis une étrange observation sur la vie du poulpe au fond des mers, où le soleil ne Téclaire pas, et de nouveau un retour aux effets produits par le froid sur tous les ôtres animes. Ce désordre même est au fond le plus grave argument qu'on ait produit contre l'authenticité de ce morceau ; mais il faut reconnaître qu'il est loin d'être décisif. Nous ne

1. Travaux^ 503 et suiv.

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