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LA LANGUE GRECQUE

injicio)[1], dans la prose grecque la plus pure les verbes composés avec deux et même trois prépositions ne sont pas rares[2].

Le système de la déclinaison grecque offre un cas de moins que celui de la déclinaison latine ; et en général on peut dire que si l’on compare l’état où il se présente à nous dans la période historique avec celui qu’on peut soupçonner pour un âge antérieur, on y remarque une tendance prononcée à simplifier[3]. Toutefois dans cette simplification progressive, la langue grecque, par un phénomène curieux, a toujours gardé les formes du duel, comme s’il en coûtait à ces esprits clairs et précis de n’établir aucun intermédiaire entre un et beaucoup.

Le système de conjugaison, bien que simple aussi, lorsqu’on le compare à celui de la langue sanscrite par exemple, est cependant complexe relativement à la série des flexions du verbe latin[4]. Les Grecs ont plus de formes verbales synthétiques que les Latins ;

  1. Madvig, Gramm. lat., § 206, a, Rem. I (traduction Theil).
  2. Dans un verbe tel que προεξάγειν par exemple, que l’on rencontre chez Hérodote et chez Thucydide pour dire conduire le premier des troupes hors du camp, le sens général n’est intelligible qu’autant que chacun des trois éléments constituants garde toute sa valeur propre. Et lorsque Thucydide encore, et après lui Xénophon, se servent du verbe ἀντεπεξιέναι, ils expriment dans un seul mot quatre idées distinctes (1o aller, 2o hors du camp, 3o à l’attaque, 4o au devant de l’ennemi), dont aucune ne disparaît dans l’ensemble. De tels exemples montrent d’une manière concluante combien la faculté d’analyse était inhérente à l’esprit grec.
  3. On trouve en grec la trace de plusieurs cas perdus, un locatif, un instrumental, comme en latin d’ailleurs.
  4. G. Curtius (Das Verbum d. griech. Sprache, Leipzig, 1876 ; Introduction) a dressé une intéressante statistique des formes verbales dans les trois langues, qui permet de faire aisément la comparaison.