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LITTÉRATURE ÉPISTOLAIRE


scolaire, sans vérité ni intérêt moral[1]. Et, au delà, le même goût persiste et s’affirme en des productions analogues, jusqu’aux derniers jours de l’empire byzantin. Enfin, à côté des lettres fictives et des lettres réelles, il faut mentionner ici également, comme une autre production des écoles de rhétorique, une énorme quantité de lettres apocryphes[2]. Ces lettres attribuées à des personnages illustres, rois, tyrans, hommes d’État, philosophes, orateurs, poètes, etc., sont loin d’appartenir toutes à un même temps. Il en existait dès la période alexandrine, et l’industrie des rhéteurs n’a cessé d’en produire pendant toute la période impériale. Elles ont été tenues longtemps pour authentiques. La critique moderne, depuis Bentley, a eu le mérite d’en découvrir la fausseté ; mais il lui est impossible le plus souvent d’en déterminer avec précision ni l’origine ni la date[3]. Rassemblées de nos jours, ces lettres n’ont pas paru tout à fait à dédaigner, car elles ont été composées par des hommes instruits du passé, qui disposaient de moyens d’information aujourd’hui perdus. La difficulté est d’en séparer ce qui est réel de ce qui est inventé, et on comprend avec quelle réserve de tels documents doivent être employés.

  1. Epistol. græci de Hercher, p. 763-786. Krumbacher, Gesch. d. byzant. Litter., § xv, 2.
  2. Cf. ci-dessus, p. 150. Elles forment la plus grande partie du recueil des Epistolographi græci de Hercher dans la collection Didot. Citons notamment les lettres de Phalaris, d’Anacharsis, de Solon, de Thémistocle, de Socrate, etc., jusqu’à celles d’Apollonios de Tyane.
  3. La publication de la dissertation de Richard Bentley (De epistolis Phalaridis, Themistoclis, etc., 1697) a fait époque, comme on sait, dans l’histoire de la critique. Cette dissertation, traduite en latin par Lennep (Groningue, 1774, et Bentleii opuscula philolog., Lipsiæ, 1823), et réimprimée aussi en anglais (Biblioth. philolog. de Calvary ; R. Bentley, Dissertation upon the letters of Phalaris and 4 other critical works, with introduction and notes by W. Wagner, 1874), ouvrait en effet la voie à des recherches analogues. Voir Westermann, De epistolarum scriptoribus græcis, Leipzig, 1851-58.