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NONNOS


Il faudrait etre mieux renseignés que nous ne le sommes sur l’état de la culture hellénique dans les diverses régions de l’Égypte au ive siècle, pour déterminer ce qui a pu susciter cette renaissance poétique en pleine Thébaide, à Panopolis, l’ancienne Chemnis des Pharaons. Quelle qu’ait pu y être la part personnelle de Nonnos, on doit admettre, en tout cas, qu’il y avait là en ce temps un foyer d’hellénisme encore subsistant. Nonnos, sur qui nous ne savons à peu près rien, dut grandir dans un milieu païen, où il prit le goût des vieilles légendes, l’admiration de la poésie homérique, et reçut en même temps l’empreinte profonde du goût alors régnant. Sorti de Panopolis, il semble avoir surtout habité Alexandrie[1]. Eunape, jugeant les Égyptiens du ive siècle, disait dans son langage prétentieux, qu’ils étaient « fous de poésie », mais que « l’Hermès sérieux », c’est-à-dire sans doute le dieu de l’argumentation et des raisonnements oratoires, se tenait éloigné d’eux[2]. Cela ne veut pas dire qu’ils cultivaient moins que d’autres la rhétorique, mais simplement qu’ils y portaient trop de fantaisie poétique. Cette sorte de folie dont parle Eunape, exubérance d’imagination, mobilité d’esprit, goût de l’éclat, nul plus que Nonnos n’en fut possédé. Aucun témoignage ne nous permet d’assigner une date précise à la composition de son épopée. Mais comme les poètes de son école, particulièrement Kyros de Panopolis, appartiennent au milieu du ve siècle, c’est sans doute dans les premières années de ce siècle que dut paraître l’œuvre dont ils ont subi l’influence[3].

  1. Agathias, IV, 23 : Anthol., IX, 198.
  2. Eunape, V. d. Soph., p. 192, l. 19, Didot : τὸ δὲ ἔθνος ἐπὶ ποιητικῇ μὲν σφόδρα μαίνονται, ὁ δὲ σπουδαῖος Ἑρμῆς αὐτῶν ἀποκεχώρηϰεν (to de ethnos epi poiêtikê men sphodra mainontai, ho de spoudaios Hermês autôn apokechôrêken).
  3. Notons aussi que, selon Ludwich, Rhein. Mus., 42, 233, Nonnos aurait imité quelques vers de Grégoire de Nazianze.