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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/1037

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L’HISTOIRE : PROCOPE


encourage par le succès qu’elle obtint et qu’il atteste lui-même (l. VIII, début), publia un peu plus tard (après 558) un second ouvrage en six livres Sur les constructions de Justinien (Περὶ ϰτισμάτῶν (Peri ktismatôn)), plein de renseignements précieux pour l’histoire de l’art et de l’administration byzantine. Ce qu’on peut reprocher le plus à ces deux compositions, mais surtout à la seconde, c’est le ton de panégyrique, qui était d’ailleurs imposé à l’auteur. Il prenait sa revanche, comme on le sait, dans sa célèbre Histoire secrète (Ἀνέϰδοτα (Anekdota)), qui ne put être divulguée qu’après sa mort et quand la dynastie de Justinien eut disparu ; pamphlet acerbe, qui retrace, jusqu’à l’année 559, les scandales, les intrigues, les prodigalités et le luxe de la Cour, et qui flétrit les personnages que Procope avait le plus loués dans ses écrits publics, en particulier Justinien et sa femme Théodora, Bélisaire lui-même et sa femme Antonina. L’authenticité de cette Histoire secrète n’est plus mise en doute ; la véracité de l’auteur ne semble pas pouvoir l’être non plus, en ce sens tout au moins qu’il répète avec exactitude ce qui se disait tout bas dans les cercles bien informés de Byzance ; mais il va sans dire que de tels propos, même vrais, ne peuvent former qu’un élément du jugement définitif de l’histoire, bien que Procope s’y délecte, sans en montrer la contre-partie.

Quoi qu’il en soit, les trois ouvrages historiques de Procope, lorsqu’on les rapproche et qu’on les corrige l’un par l’autre, ont une valeur incontestable. L’auteur d’une telle œuvre se révèle comme un homme qui a possédé l’expérience de la vie, qui a su s’informer, observer, juger, et qui, écrivant au moment où la monarchie romaine d’Orient tournait définitivement au despotisme byzantin, a eu le talent de faire revivre la société de son temps dans des récits et des descriptions qu’on lit encore avec intérêt. Tout cela, il est vrai, ne suffit pas