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CHAPITRE III. — RHÉTORIQUE, HISTOIRE, ETC.

la vigne, enseignée par Dionysos au père d’Érigone), n’étaient selon toute apparence que les œuvres d’un versificateur de talent, et rien de plus[1]. On admettra volontiers aussi qu’il ne s’élevait pas au-dessus d’une honnête moyenne dans ses Dialogues philosophiques, dans son ouvrage sur les Sectes des philosophes (d’ailleurs inconnu), dans son traité Sur les Biens et les Maux, et dans quelques autres ouvrages de polémique dont le caractère est incertain[2]. Mais son traité Sur la Comédie ancienne, en 12 livres, paraît avoir été une œuvre considérable par la pénétration autant que par le savoir[3]. Et surtout, en matière de géographie mathématique et de chronographie, il est impossible de ne pas le considérer comme un savant de premier ordre.

Sa Géographie (Γεωγραφιϰά) en 3 livres, s’ouvrait, semble-t-il, par une revue des systèmes géographiques antérieurs. Cet examen critique remplissait sans doute le premier livre. Strabon nous a conservé quelques-uns de ses jugements sur l’autorité historique d’Homère. Ces jugements, que lui-même combat, sont des plus remarquables. Ératosthène disait que, dans Homère, il ne fallait pas chercher des faits ; il ajoutait spirituellement qu’avant de retrouver le chemin suivi par Ulysse, il fallait retrouver le corroyeur qui avait cousu l’outre d’Éole. Strabon, après Polybe, était choqué de ce langage, qui montre pourtant chez Ératosthène un sens critique d’autant plus admirable qu’il est plus rare dans l’antiquité. — Dans le second livre, il exposait ses vues sur la forme générale de la Terre, qu’il considérait comme sphérique, sur l’étendue de la partie habitée (ἡ οἰϰουμένη),

  1. V., dans l’Anthologie de Jacobs, I, p. 227-229, quelques fragments de ces poèmes et une épigramme.
  2. Susemihl, I, p. 421.
  3. Bernhardy, Eratosthenica, p. 203-237.