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CHAPITRE III. — RHÉTORIQUE, HISTOIRE, ETC.

que leur devint plus familière que l’hébreu : il leur fallut traduire en grec leurs livres sacrés pour l’usage du grand nombre. La culture grecque aussi leur révéla un monde des « gentils » qu’ils ne connaissaient guère : certaines idées des philosophes leur rappelaient celles de leurs prophètes ; ressemblances et différences les firent réfléchir, et de là sortit, chez quelques esprits d’élite, un travail de pensée qui devait aboutir à des œuvres originales écrites en grec.


Une légende racontait que Ptolémée Philadelphe avait chargé soixante-douze savants juifs de traduire en grec la Bible hébraïque[1]. C’est ce qu’on appelle la version des Septante. Nous n’avons pas à entrer dans l’examen des innombrables problèmes de critique que soulève ce texte, ni même à l’étudier littérairement, car il est totalement étranger à la littérature grecque proprement dite, par le fond et par la forme. Quelle que soit la date exacte et l’origine des divers morceaux qui le composent, il a été écrit par les Juifs hellénisants d’Alexandrie, d’après des originaux hébreux ou sur leur modèle, pour leur usage propre, dans le dialecte qu’ils parlaient, et il n’est sorti de leur cercle, pour agir sur la pensée du monde entier, que beaucoup plus tard.


Il n’en est pas tout à fait de même d’un certain Aristobule, Juif d’Alexandrie, qui vivait dans la première moitié du second siècle, et qui nous est donné comme un Péripatéticien[2]. Si nous connaissions mieux son Explication de la loi mosaïque (Ἐξηγήσεις τῆς Μωυσέως γραφῆς), il y aurait peut-être quelque intérêt avoir com-

  1. Eusèbe, Chronique, II, p. 118.
  2. Clément d’Alex., Strom. I, 305 D. Cf. Valckenaer, De Aristobulo Judaeo, philosopho peripatetico Alexandriae, Leyde, 1806 (Susemihl, II, p. 629).