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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/190

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CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

avaient procédé. L’initiateur de cette forme nouvelle est Rhinton, de Syracuse ou de Tarente, qui vécut, comme Sotadès, sous les deux premiers Ptolémées[1]. Suidas lui attribue trente-huit « drames comiques » (κωμικὰ δράματα), du genre qu’on appelait proprement hilarotragédies, c’est-à-dire « tragédies plaisantes ». Un très important passage d’Athénée, fondé sur l’autorité considérable d’Aristoxène, nous fait bien voir les sources populaires de ce genre[2]. La Grande-Grèce de ce temps, comme l’Italie méridionale des époques postérieures, était un pays d’imagination vive et gaie, de mimique expressive, de lazzi toujours jaillissants, la patrie authentique de Polichinelle. Sous une foule de noms divers, on y cultivait la comédie vraiment populaire, improvisée et bon enfant, plein de gausseries joyeuses (φλύακες), de gestes plaisants et plastiques. Les auteurs de ces compositions éphémères s’appelaient γελωτοποιοί, θαυματοποιοί, ἠθολόγοι, μαγῳδοί, ἱλαρῳδοί, etc. L’originalité de Rhinton fut de faire entrer dans la littérature ce qui n’avait eu jusque là aucune prétention littéraire. Il écrivit des pièces qui s’appelaient Héraclès, Amphitryon, Iphigénie, etc., et où les héros de la tragédie figuraient d’une manière plaisante : c’était le Scarron de ce temps-là. Un certain nombre de vases peints reproduisent certainement des scènes empruntées à ce genre de littérature[3]. Rhinton, selon Suidas, était fils d’un potier : c’est peut-être dans l’atelier de son père qu’il avait pris l’idée de cultiver ce genre populaire. Nous ne pouvons d’ailleurs apprécier son talent, car les

  1. Suidas le fait naître à Tarente, Nossis (dans Anth. palat., VII, 414), à Syracuse ; ἐπὶ τοῦ πρώτου Πτολεμαίου, dit Suidas. Cf. Völker, Rhintonis fragmenta, Halle, 1887, et Crusius, Woch. für kl. Philol., 1889, p. 287-289.
  2. Athénée, XIV, p. 620. D, et suiv.
  3. Cf. Heydemann, Die Phlyakendarstellungen auf bemalten Vasen, dans les Jahrb. des Archæol. Instit., 1886, p. 260-313.