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HÉRODAS

spondée au lieu d’un iambe. Ce vers, cultivé jadis par Hipponax d’Éphèse, était tombé en désuétude. Hérodas le remit en honneur. Il faisait en cela œuvre d’érudit et de curieux, de véritable alexandrin par conséquent, mais aussi d’artiste, car il avait finement senti la convenance qui existait entre ce mètre volontairement inélégant et la nature de son inspiration réaliste. — Le choix du mètre entraînait le choix du dialecte : Hipponax était un ionien ; la forme de vers qu’il avait rendue célèbre appelait l’emploi du dialecte ionien. Hérodas, Dorien sans doute d’origine et de relations, écrivit dans le dialecte d’Hipponax, mais fortement mélangé de dorismes et d’atticismes[1]. Le vocabulaire et la phrase doivent beaucoup évidemment au langage parlé : les mots usuels, les proverbes populaires y abondent. De là, pour le lecteur moderne, une obscurité qu’épaissit parfois encore le mauvais état du texte ; mais il est probable que, pour les contemporains d’Hérodas, l’impression dominante était celle d’une trivialité vivante et savoureuse. — Ce que nous pouvons apprécier, aujourd’hui encore, avec plus de sûreté, c’est l’habileté de l’auteur à faire vivre ses personnages, à les peindre par leur langage. Le discours du marchand d’esclaves devant le tribunal, avec ses appels aux grands principes, ses roueries, ses accents de fausse bonhomie et l’air de canaillerie à demi consciente partout répandu, est fort amusant. Il y a cependant peut-être quelque chose de plus fin encore dans le mime premier, où le long, tortueux, cauteleux discours de l’entremetteuse Gyllis à l’honnête Métriché, puis la courte et souriante réponse de celle-ci, enfin la platitude confuse et reconnaissante de l’entremetteuse, à la fois repoussée et abreuvée, forment

  1. Cf. Crusius, Praef., p. iv-v. Il est d’ailleurs très difficile, en ces matières, d’être sûr du texte.