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ATHÈNES

mais, la cité n’étant plus que l’ombre d’elle-même, la littérature devient à la fois plus individuelle et plus cosmopolite, plus savante aussi ; elle ne sort plus des entrailles mêmes de la cité ; c’est une littérature d’école, de cénacle, de bibliothèque, de cabinet, moins marquée de traits régionaux et qui exprime surtout la culture grecque en tant qu’elle est, par tous pays, la culture des gens bien élevés. Avant d’entrer dans le détail des faits, il faut jeter un coup d’œil sur les divers théâtres où cette littérature se développe et sur les conditions d’existence qu’elle y trouve.

I

Athènes, à première vue, semble avoir peu changé. Un voyageur qui l’aurait quittée au temps du procès de la Couronne aurait pu la revoir, trente ans plus tard, sans être trop dépaysé. Il y aurait retrouvé les mêmes monuments, le même peuple vif et curieux, presque les mêmes institutions, en tout cas les mêmes fêtes religieuses, les mêmes concours dramatiques et lyriques, parfois aussi les mêmes querelles personnelles, les mêmes enthousiasmes, et les mêmes dénigrements. Une étude plus attentive l’aurait pourtant vite averti que l’antique décor encadrait une pièce nouvelle. Cette vie politique apparente n’était plus qu’une ombre. Pendant dix ans, de 318 à 308, Démétrius de Phalère avait été, au nom de Cassandre, le maitre d’Athènes, un maître à la main légère et à la parole fleurie, mais un maître imposé par la Macédoine. Ensuite était venu Démétrius Poliorcète, à qui les Athéniens donnèrent le titre de roi. Plus tard, le joug de l’étranger sembla parfois s’alléger. Mais en somme, aux moments mêmes où il fut le