Aller au contenu

Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

rustique se développe à peu près de la même façon que dans l’idylle XIV : avant d’engager la lutte, les pâtres causent et se provoquent. Ou bien c’est le poète qui se met en scène, et un récit amène la lutte poétique. Ou bien encore ce récit n’est qu’un prélude ou une conclusion, et la lutte poétique est encadrée dans un dialogue. Toutes ces formes différentes se ramènent malgré tout à un type essentiel, celui d’un chant lyrique amené et préparé par une mise en scène variable. Telle est aussi la structure des Syracusaines (XV), dont la scène se passe à Alexandrie, et dont les personnages principaux sont des commères de la ville : leur causerie, leur promenade dans Alexandrie, les divers épisodes qui l’animent, tout aboutit à un chant lyrique qu’elles vont écouter, celui qu’une Argienne fait entendre en l’honneur d’Adonis, et la pièce se termine par quelques mots de dialogue qui nous ramènent au point de départ.

Dans ce cadre souple et ferme, Théocrite fait entrer une admirable poésie et toute une conception particulière de la vie.

L’idée dominante est un beau rêve de vie rustique. Ce rêve est fréquent aux époques très civilisées : il naît alors dans quelques âmes où subsiste, sous le raffinement de la culture générale, un arrière-fond de naturel, et de celles-là s’étend à d’autres. Théocrite, nous l’avons vu, était une riche nature. Il avait assez vu la vie des champs pour la bien connaitre ; il avait assez pratiqué les lettres et les cénacles pour rêver au moins d’autre chose, et pour concevoir une sorte de nostalgie poétique des champs et de la montagne. Il évoqua les visions de la vie rustique et en composa son idéal.

Cet idéal, dérivé d’une série d’impressions sincères et formé dans une intelligence qui avait le don de voir les choses avec netteté, renferme une grande part de réalité. Comme tout idéal, pourtant, il est fait d’une réalité