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CHAPITRE V. — POLYBE

entière à la connaissance précise et presque technique des choses qui font la matière de l’histoire, la politique et la guerre. Il parle dès le début du « caractère pragmatique » de son livre[1]. Il y revient sans cesse et explique abondamment son intention[2] : il veut être utile aux hommes d’État ; c’est un enseignement positif qu’il leur apporte, une sorte de « traité » (πραγματεία)[3] des choses de la politique, mais un traité non théorique, un traité en action, pour ainsi dire, et en récits, fondé sur une analyse précise et compétente des faits. Il ne s’agit pas pour lui de plaire au lecteur par la rhétorique, qui blâme ou qui loue[4], par la curiosité savante, qui raconte des généalogies, par l’imagination romanesque, qui trace le tableau des migrations et des fondations de villes[5]. Il s’en tient aux actes politiques[6], qu’il veut expliquer « scientifiquement[7]. » Peu lui importe de paraître à certains lecteurs « sévère et monotone »[8] : il ne vise qu’à obtenir l’approbation des esprits sérieux qui cherchent dans l’histoire des leçons pratiques et effectives[9].

Pour la plupart des hommes, l’histoire est avant tout une science de cabinet ou de bibliothèque. Des historiens célèbres ne connaissent que par à peu près les lieux dont ils parlent et n’ont que des idées puériles sur la politique et la guerre, qui remplissent leurs livres. Des trois parties de la science historique, connaissance des livres, connaissance des lieux, connaissance des

  1. Polybe, I, 2, 8.
  2. V. notamment IX, 1-2.
  3. Polybe, I, 3, 1, etc.
  4. Polybe, XII, 7, 1.
  5. Polybe, IX, 1, 4.
  6. Αὐτὰ τὰ κατὰ τὰς πράξεις (IX, 4, 6).
  7. Μεθοδικῶς (IX, 2. 5).
  8. Αὐστηρόν τι… διὰ τὸ μονοειδές (IX, 1, 2).
  9. Polybe, IX, 2, 5.