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PROCÉDÉS D’EXPOSITION

que prophète. Même si l’on est tenté de discuter certaines de ses prophéties, on ne peut s’empêcher d’admirer la hauteur sereine de son esprit, et cette foi profonde dans la science (θεωρία), si souvent justifiée par les faits.

D’où lui vient cette manière de penser ? Est-ce du stoïcisme proprement dit, comme le croit Susemihl ? On sait en effet que les stoïciens, à l’exemple d’Héraclite, admettaient des périodes du monde, terminées chacune par une résorption dans le tout, et suivies d’une résurrection des parties. Il me paraît plus vraisemblable que Polybe a puisé ces idées dans le trésor commun de la philosophie. La succession des formes de gouvernement était, depuis Platon et Aristote, un lieu commun de la science politique. Polybe cite formellement Platon dans le passage où il expose sa théorie[1]. Je ne vois pas qu’il fasse autre chose que l’abréger à sa façon. L’originalité de sa conception est moins dans le fond des choses que dans la nouveauté de cette application à des faits concrets et à une histoire « pragmatique. »

V

Les formes de l’exposition historique, au temps de Polybe, se trouvaient à peu près fixées par l’usage, de la manière suivante : longues préfaces, sinon en tête de chaque livre, du moins en tête de chacune des grandes divisions de l’ouvrage : narration suivie, plus ou moins oratoire, encadrée (depuis Timée) d’indications chronologiques minutieuses, coupée de descriptions géographiques parfois fort étendues, de digressions érudites, étymologiques, mythiques, de discussions et d’anecdotes de toutes sortes ; discours enfin, où l’historien, moins

  1. Polybe, VI, 5, 1 (Πλάτωνι καὶ τισιν ἑτέροις τῶν φιλοσόφων).