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CORNUTUS ET MUSONIUS

Moins maltraité par le temps, C. Musonius Rufus tient encore sa place entre les moralistes de ce siècle[1]. Chevalier romain, d’une famille étrusque originaire de Bolsène, il fit profession de philosophie, et se rendit célèbre par son enseignement sous Néron. Sa renommée et l’influence qu’il prenait sur la jeunesse le firent exiler en 65. Il fut relégué en Grèce, d'où il revint à la mort de Néron ; il embrassa la cause de Vespasien, qui lui parut celle de l’honnêteté. Dès le début de son règne, il accusa et fit condamner le délateur Celer. Quand Vespasien à son tour, chassa de Rome les philosophes, en 71, Musonius fut excepté de cette rigueur par une faveur spéciale. Le second Pline put encore le voir et l’aimer ; mais il semble être mort avant le règne de Domitien. Sa maison était comme le sanctuaire du stoïcisme à Rome sous Néron et Vespasien. On y voyait venir, entre autres disciples, le jeune Épictète, qui y fut initié à la philosophie[2]. Les conversations privées qui s’y tenaient et quelques conférences publiques en grec que donna Musonius[3] furent plus tard publiées en substance par un certain Pollion, évidemment son disciple, sous le titre de Souvenirs de Musonius (Μουσωνίου ἀπομνημονεύματα) ; recueil dont un assez grand nombre de morceaux nous ont été conservés dans les extraits de Stobée[4].

D’après les témoignages les plus autorisés, notam-

  1. Suidas, v. Μουσώνιος ; Tacite, Annales, XIV, 59 ; XV, 71 ; Histoires, III, 81 ; IV, 10 et 40 ; Philostrate, Néron ; Vie d’Apoll., VII, 16 ; Pline, Epist., III, 11 ; Dion, LXII, 27, 3 ; LXVI, 13, 1.
  2. Épictète, Entretiens, I, 7, 32 ; 9, 29 ; III, 6, 10 ; 16, 1 ; 23, 29.
  3. Plusieurs passages d’Aulu-Gelle prouvent que Musonius enseignait en grec (IX, 2, 8 ; XVI, 1, 1). Le mot cité en latin (XVIII, 2, 1 : Remittere animum quasi amittere est) est probablement une traduction du grec : Ὅμοιον τὸ ἀνιέναι ψυχὴν τῷ ἀφιέναι.
  4. Musonii reliquiæ et apephthegmata, de Peerlkamp, Harlem, 1822. Suidas, Πωλίων.