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DION DE PRUSE ; SON ÉLOQUENCE

révèle une tendance analogue ; toute cette cosmologie aboutit à montrer comment c’est la raison (τὸ φρονοῦν, τὸ ἡφούμενον), qui mène le monde. Enfin nulle part cette aspiration au bien, un peu vague, mais noble, humaine et généreuse, ne se montre mieux que dans les discours à Trajan sur la royauté[1], où Dion représente le monarque idéal tel qu’il le conçoit, pieux, juste, dévoué à ses sujets, maître de lui-même, honnête dans sa vie privée, simple dans sa vie publique : en tout, l’opposé du tyran, qui est un homme asservi à ses mauvaises passions.

Un grand mérite de ces discours, c’est qu’ils sont ou qu’ils veulent être appropriés à un auditoire déterminé. Rien peut-être ne distingue plus nettement la prédication morale de Dion de celle des philosophes contemporains. Ceux-ci, dans leurs διαλέκεις, traitaient devant un public quelconque des sujets de morale sans application particulière, très souvent de simples lieux communs de philosophie pratique, l’amitié, l’exil, etc. Dion a voulu faire autre chose. Ce qui lui paraît utile, c’est de signaler à ses auditeurs, non les défauts de l’homme en général, mais les leurs, de les entretenir de leurs besoins présents, de les avertir des dangers qu’ils courent et de leur montrer les moyens pratiques d’y parer. Voilà une entreprise qui à coup sûr n’était pas banale. Elle supposait, de la part de celui qui s’y vouait, bien de l’adresse et du courage. Or Dion semble l’avoir poursuivie pendant une vingtaine d’années, avec une persistance méritoire et avec un véritable succès. On est profondément injuste pour lui, lorsqu’on le confond purement et simplement avec les philosophes beaux parleurs qui pullulaient alors.

Grâce à cette franchise, préoccupée de précision, ses discours nous intéressent d’abord en ce qu’ils nous don-

  1. Or. 4 et 3, Περὶ βασιλείας.