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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/534

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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

corrigent guère le lecteur ; un portrait est une conception originale, une synthèse personnelle, qui ne ressemble complètement à aucun de ceux auxquels l’auteur a pu songer, et où par conséquent chacun d’eux a toujours le droit de ne pas se reconnaître. D’ailleurs Plutarque n’a pas le genre d’imagination créatrice qui est nécessaire au portrait. Il analyse et raisonne, il détache chaque trait, chaque idée, il procède didactiquement, il ne concentre pas ses effets. Sa manière est plutôt, si l’on peut ainsi parler, « indicative » que descriptive. Il note ce qu’il veut faire remarquer, mais il ne le met pas en relief. Cette notation analytique, claire, réfléchie, quelquefois fine, ne vise pas à faire penser au delà de ce qu’elle dit ; elle se contente de dire tout ce qui est utile au lecteur de bonne volonté, disposé à en faire son profit.


Au reste, décrire le mal n’est pas la chose à quoi Plutarque s’applique le plus. Comme il s’en tient à ce qui est bien visible, il a le droit en général de le supposer connu, et dès lors la description chez lui peut n’être qu’incidente et secondaire. Sa tâche propre, c’est de guérir ; et rien ne caractérise mieux en lui le moraliste, que l’art très délicat d’organiser une cure morale.

Son grand principe, c’est que les guérisons ne peuvent s’obtenir que lentement. Il n’est pas de ceux qui brusquent les choses, ni qui prétendent faire violence à la nature. Le vice est une habitude mauvaise, qui ne peut être déracinée que par une autre habitude contraire. C’est celle-ci qu’il s’agit de faire naître[1]. Il va de soi que la première de toutes les conditions est la bonne volonté du malade ; mais il faut en outre de l’adresse, de la prévoyance, tout un plan de réformes, et c’est là ce qui appartient au médecin.

  1. Sur le bavardage, 19 : Οὐ γὰρ ἔστιν, ὡς χαλινῶν ἐφαψαμένους, ἐπισχεῖν τὸν ἀδολέχεῖν τὸν ἀδολέσχην, ἀλλ’ ἔθει δεῖ κρατῆσαι τοῦ νοσήματος.