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LUCIEN ; SES ÉCRITS

pressions ne tiennent pas assez de compte des conditions particulières de certaines compositions[1]. Sans nous attacher par conséquent à un parti pris de conservation absolu, disons qu’il y a lieu, dans la plupart des cas, de se défier de jugements trop prompts. Au reste, les écrits dont l’authenticité est certaine sont assez nombreux pour que l’appréciation du caractère et du talent de Lucien demeure en fin de compte parfaitement solide.


Ces écrits ne peuvent plus au jourd’hui, faute de renseignements précis, être rangés dans un ordre chronologique rigoureux. Mais comme quelques-uns d’entre eux pourtant ont des dates, au moins approximatives, et que ceux-là permettent d’établir, dans la vie de Lucien, certaines époques, il n’est pas impossible de répartir les autres, d’après leurs caractères, entre les grandes phases de sa carrière d’écrivain[2].

Au début, se placent d’abord les exercices de pure rhétorique, le Meurtrier du tyran (Τυραννοκτόνος), le Fils chassé par son père (Ἀποκηρυττόμενος), les deux Phalaris, qui n’ont d’autre intérêt que de caractériser la période où Lucien appartenait entièrement à la sophistique ; puis, tout à côté, l’Éloge de la mouche (Μυίας ἐγκώμιον), l’Ambre (Περὶ ἠλέκτρου), les Dipsades (Περὶ τῶν διψάδων), la Salle (Περὶ τοῦ οἴκου), le Jugement des voyelles (Δίκη φωνηέντων), enfin l’Éloge de la patrie (Πατρίδος ἐγκώμιον),

  1. C’est ainsi par exemple que le Démonax, dans toute la seconde partie, semble démentir son origine ; ce n’est qu’une collection de mots et d’anecdotes ; mais, à prendre l’œuvre dans son ensemble, on y reconnaît Lucien à bien des traits ; et dès lors, on peut supposer, ou qu’elle n’a pas été achevée, ou plutôt qu’elle a été abrégée et remaniée ; voir Schwarz, Uber Lukians Demonax. Zeitschr. f. osterr. Gymnas. 1878, p. 561, et Ziegeler, Jahrb. f. Philol., 1881, p. 327. — Quant à mettre en doute l’authenticité d’une œuvre telle que le Peregrinus (Cockerill. Peregrinus Proteus, Edinburgh, 1819), c’est, à mon avis, prendre parti contre l’évidence même.
  2. Maurice Croiset, Essai s. Lucien, c. II.