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CHAPITRE II. — PHILOSOPHIE AU IIIe SIÈCLE

celui de tout dire », avec une pénétration remarquable. Le passage est cité par Démétrius, l’auteur du traité De l’élocution, en ces termes[1] :

Un autre moyen de persuader est celui qu’indique Théophraste, de ne pas tout dire minutieusement et longuement, mais de laisser à l’auditeur certaines choses si deviner et à trouver par lui-même. L’auditeur, en effet, qui a deviné ce que vous ne lui disiez pas, devient pour vous plus qu’un auditeur, un auxiliaire et un ami ; il vous doit le plaisir de s’être trouvé lui-même intelligent, grâce à l’occasion que vous lui avez fournie de deviner quelque chose. Lui tout dire comme à un sot, c’est lui montrer qu’on se méfie de son intelligence.

À côté de Théophraste, nous rencontrons quelques noms connus ; celui d’Eudème, à qui l’on attribue la rédaction de l’une des Morales comprises dans l’œuvre d’Aristote, et qui s’occupa aussi de l’histoire des doctrines[2] ; Aristoxène de Tarente, musicien et rythmicien encore plus que philosophe ; Démétrius de Phalère, surtout orateur et homme d’état ; Dicéarque, surtout géographe ; Héraclide de Pont, polygraphe et historien des doctrines. On voit comment le Lycée, dès la première génération, s’écarte de la philosophie proprement dite vers les recherches curieuses ou érudites. Nous retrouverons quelques-uns de ces noms dans le chapitre suivant, où ils seront mieux à leur place.

Le successeur de Théophraste à la tête du Lycée fut Straton, né à Lampsaque[3], qui dirigea l’École de 287 à 269. Straton paraît l’avoir orientée surtout du côté des recherches physiques, dans un esprit moins finaliste que positif et déterministe. Mais de ses nombreux écrits,

  1. Fragm. XCVI.
  2. Diels, Doxographi, p. 102.
  3. Diogène Laërce, V, 58-64. — Les fragments de Straton n’ont pas été réunis par Mullach. On les trouvera cités dans l'excellente thèse de M. Rodier, La physique de Straton de Lampsaque, Paris, 1890.