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ALCIPHRON

dû être un sophiste athénien, du temps de Marc-Aurèle et de Commode, peut-être un peu plus jeune que Lucien, mais l’un de ceux qui ont le plus goûté ses spirituels dialogues, à mesure qu’ils paraissaient. C’est de lui peut-être qu’il a pris l’idée d’imiter à sa manière la comédie du ive siècle : il n’est guère possible de douter qu’une de ses lettres (III, 55), où il raconte un banquet de philosophes qui se querellent, ne soit une imitation directe du Banquet de Lucien, ni qu’il lui ait dû le nom de Lexiphanès, qu’il donne dans une autre à un poète comique (III, 71)[1].

Ses Lettres, au nombre de cent dix-huit, sans compter six morceaux incomplets[2], sont en réalité tout autre chose que de simples thèmes d’école. Sans doute, le genre lui-même n’est que la transformation ingénieuse d’un exercice scolaire signalé plus haut. Mais cet exercice, ainsi traité, est devenu une véritable forme dramatique. Ces lettres, censées écrites par des gens de toute sorte et de toute classe, pêcheurs, paysans, parasites, courtisanes, nous mettent en effet sous les yeux, dans de brefs récits, qui sont des tableaux, des situations analogues à celles qu’avait représentées autrefois la comédie. Philémon, Diphile, Ménandre et leurs contemporains sont les modèles d’Alciphron, en même temps que le sujet de ses compositions ; il imite leur style et leur manière de penser, il met en scène la société où ils ont vécu et qu’ils ont décrite ; parfois même, il nous fait raconter, soit par eux, soit par d’autres, quelques inci-

  1. Comparer aussi la lettre III, 40 et le début du Coq.
  2. La division en trois livres remonte à Bergler qui édita les lettres d’Alciphron au xviiie siècle (Leipzig, 1715). L’édition princeps (Collectio epist. graec. aldina, Venise, 1499) ne contenait que les deux premiers livres. Bergler a formé le 3e livre de lettres découvertes par lui dans des mss. de Vienne et du Vatican. D’autres encore encore ont été ajoutées depuis à la collection par Wagner, Abresch, Soiler.