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CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

version de ceux qu’une première instruction avait déjà touchés. Par là, l’apologie est la première forme de l’enseignement dialectique, qui se développera bientôt. Les apologistes sont les prédécesseurs immédiats des docteurs chrétiens. C’est par eux que le christianisme a commencé à devenir une philosophie, c’est-à-dire en somme, à se rapprocher de l’hellénisme, qu’ils combattaient pourtant si ardemment.

Nous ne savons presque rien du plus ancien d’entre eux, Quadratus (Κοδράτος), sinon qu’il adressa son apologie à l’empereur Adrien lors de son passage à Athènes, vers 125-126[1]. Le seul fragment qui nous en reste se réduit à quelques lignes, qui ne permettent de juger ni du plan de cet écrit ni de sa méthode[2].

C’est au successeur d’Adrien, à Antonin le Pieux, que fut adressée, contrairement au témoignage d’Eusèbe, l’apologie d’Aristide[3]. L’auteur ne nous est pas mieux connu que Quadratus ; mais son œuvre, dont on ne croyait naguère posséder que des fragments insignifiants, nous a été rendue presque en son entier depuis dix ans[4]. Il y donne son nom : Markianos Aristide, philosophe athénien. Son œuvre est une brève étude sur l’idée de Dieu chez les différents peuples. Plus ou moins défigurée chez les Barbares, chez les Grecs, et même chez les Juifs, cette idée, selon lui, n’apparaît vraiment

  1. Eusèbe, Hist. eccl., IV, 3.
  2. Eusèbe, Ibid. ; Otto, Corp. Apol., t. IX, p. 339.
  3. Eusèbe, Ibid. La vraie date a été rétablie d’après le texte même de l’Apologie.
  4. Une traduction arménienne incomplète en fut découverte et publiée par les Mékitaristes en 1878. Harris en découvrit une seconde, en syrien, dans un cloitre du Sinaï, en 1889. L’étude de ces textes amena Robinson à reconnaître que l’original grec, quelque peu altéré, se retrouvait dans la Vie de Barlaam et de Joasaph attribuée à Jean de Damas. Ces trois textes ont été publiés par Hennecke : Die Apologie des Aristides, Recension und Reconstruction des Textes, Leipzig, 1893.