Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/770

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
752
CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

tianisme, en s’appropriant la philosophie grecque, ne faisait réellement que reprendre son bien. Et, dans cette reprise, la révélation ne devait rien à la raison humaine, puisque celle-ci s’était bornée à mettre en œuvre ce qu’elle avait dérobé. Voilà ce que Clément a cru de très bonne foi ; et, après tout, il n’y a qu’à se réjouir de cette erreur, puisqu’elle a permis une conciliation dont l’humanité devait profiter.

Ce qui est regrettable, c’est que ce représentant du christianisme hellénisé n’ait pas eu à un plus haut degré le sens de l’art littéraire. S’il y a chez lui quelque éloquence naturelle, de la véhémence satirique, en même temps qu’un certain lyrisme, ces qualités disparaissent sous la diffusion, sous le désordre de la composition et de la pensée, sous l’abus de l’érudition, sous les digressions. Causerie confuse, où se mêlent tous les tons, où manquent l’ordre, la lumière, le bon goût même. Du reste, Clément dédaigne par principe tout ce qui est beauté ou grâce, tout ce qui pourrait être soupçonné de viser à plaire. Et c’est là, on a pu le voir, un trait commun à presque tous les écrivains chrétiens de ce siècle. Justement offensés, dans leur sérieuse tendance, par le bavardage prétentieux des rhéteurs à la mode, ils croient que bien écrire est une marque de frivolité. Aucun d’eux ne se rend bien compte de ce que la pensée gagne à être claire, ordonnée, dégagée, à se traduire dans des expressions justes et choisies. Une certaine barbarie leur plaît, comme une preuve de sincérité. D’ailleurs, elle n’est pas uniquement chez eux affaire de principe. Élevés presque tous dans l’hellénisme, ils ont été plus ou moins troublés dans leur goût, dans leurs habitudes littéraires, par la brusque influence des lectures toutes différentes qui ont été la conséquence de leur conversion. L’Ancien et le Nouveau Testament sont venus se mêler chez eux à ce qui leur restait