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QUINTUS DE SMYRNE, ETC.

de Rhodes ; toutes ses expressions, tous ses tours de phrase viennent de ses modèles. Sa versification se rapproche surtout de celle des Alexandrins ; il multiplie les dactyles ; il recherche la césure trochaïque du troisième pied, sans toutefois s’assujettir encore à la rigueur des lois métriques de Nonnos, notamment en ce qui concerne l’élision et l’hiatus. Cette préoccupation de bien versifier dénote un certain goût de la perfection. Tout chez lui est bien fait : ce qui manque à son œuvre, c’est le génie.

Le poème est sagement ordonné dans ses diverses scènes, sans surcharge, sans digression ; tout y est clair, simple, proportionné ; le goût des développements sophistiques s’y fait assez peu sentir, soit dans les descriptions, soit dans les discours. Mais il n’y a rien qui attache. Les personnages se succèdent comme des ombres ; aucun n’a de relief ni même de substance dramatique. Au lieu de peintures morales, des comparaisons trop nombreuses et des sentences à profusion. Les situations sont plutôt indiquées que vraiment décrites, avec une pauvreté de couleurs qui dégénère en sécheresse. Le poète n’a rien de ce qui fait la force et la vie. On est étonné surtout qu’il ait pu mettre si peu de lui-même dans son œuvre. Véritable poésie d’école, sans contact avec la réalité.


Quelque chose des préoccupations d’art de Quintus se manifeste aussi dans les fragments de deux épopées contemporaines, qui ne nous sont pas parvenues en entier. — L’une est une Gigantomachie du poète Claudien, dont il nous reste soixante-dix-sept vers[1]. C’est encore une question non résolue que de savoir si ce Claudien est le même que le poète latin, contemporain d’Honorius et

  1. Eudociæ Augustæ, Procli Lycii, Claudiani carminum græcorum reliquiæ, rec. A. Ludwich, Lipsiæ, 1891 (Bibl. Teubner).