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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

Ce maître fin, aimable, tout préoccupé des besoins de son auditoire, se retrouve dans le discours sur la manière de profiter des auteurs profanes. Et nous voyons là, de plus, certains traits qui caractérisent sa manière propre dans la direction morale. L’étude de la question à discuter y est, à vrai dire, très superficielle. Sur le fond des choses, rien ou presque rien. On voudrait entendre dire à l’orateur que, seule en ce temps, la littérature grecque profane était capable de former l’esprit au raisonnement, de lui donner le goût du vrai et du beau, le sens de l’ordre, de la mesure et de la liberté, qu’enfin elle était indispensable pour le meubler d’idées et de connaissances, pour le mettre en contact avec l’humanité ; toutes choses que ni la Bible ni l’Évangile ne pouvaient faire. Basile était trop intelligent, il avait trop réfléchi, pour ne pas sentir au fond l’évidence de ces vérités. Mais il ne veut ni les faire voir, ni les voir lui-même. Avec une habileté, à demi inconsciente, qui se fait illusion à elle-même, il détourne ailleurs son attention et celle des jeunes gens qu’il veut instruire. Selon lui, les enseignements de l’Ancien et du Nouveau Testament sont trop éblouissants et trop profonds pour qu’on puisse les regarder d’abord. La littérature profane a pour office d’accoutumer les jeunes intelligences à la vérité, de leur donner une première teinture de la morale ; et voilà tout. On s’en sert ainsi, sans la glorifier. Quant à la manière même de s’en servir, Basile n’est guère plus précis en l’expliquant : il faut laisser le mal et prendre le bien ; mais qui fera ce choix ? comment ? Il ne le dit pas. Donc, la théorie fondamentale du discours est insuffisante, étroite, ou vague ; et, si on la scrute rigoureusement, on croit y sentir un esprit qui n’a pas toute sa liberté, ou qui manque de hardiesse. Mais il faut songer qu’un grand nombre de chrétiens zélés