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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

même après la mort, de l’avoir nommé évêque de Sasima, comme il l’aime et comme il l’admire néanmoins ! Avec quel charme il rappelle leurs communs souvenirs d’Athènes ! Et s’il parle volontiers de lui-même, quel hommage il rend cependant à la supériorité de caractère qu’il sentait chez Basile ! Les détails familiers et précis abondent, mais les grands traits sont en pleine lumière. Il raconte avec grâce, avec sentiment ; et, quand il a fini de raconter, il juge de haut, il dégage les qualités maitresses avec la sureté d’un historien et l’émotion d’un ami. Ses dernières paroles ont été imitées par Bossuet dans son Oraison funèbre du prince de Condé, et elles méritaient de l’être. L’appel adressé à tous ceux auxquels Basile avait fait du bien est d’une ampleur et d’une plénitude remarquables ; et il y a quelque chose de singulièrement touchant dans la façon dont l’orateur éteint ensuite volontairement l’éclat de sa parole, pour finir sur une prière attendrie. Citons ces quelques lignes qui donnent assez bien l’idée de l’éloquence de Grégoire :

« Réunissez-vous tous ici, compagnons de Basile, ministres des autels, serviteurs du temple, et les citoyens et les étrangers ; secourez-nous pour achever son éloge, chacun de vous racontant une de ses vertus, s’attachant à un trait de sa vie. Regrettez tous, les grands un législateur, le peuple un guide, les savants un maitre, les épouses l’appui de leur vertu, les simples un conducteur, les esprits curieux une lumière, les heureux un censeur, les infortunés un consolateur, la vieillesse un soutien, la jeunesse une règle, la pauvreté un bienfaiteur, la richesse un dispensateur des aumônes. Il me semble que les veuves doivent célébrer leur protecteur, les pauvres l’ami des pauvres, tous, enfin, celui qui se faisait tout à tous, afin de gagner toutes les âmes.

Reçois cet hommage d’une voix qui te fut chère, d’un homme ton égal en âge et en dignité. Si mes paroles approchent de ce qui t’est dû, c’est grâce à toi : c’est par confiance en ton secours que j’ai entrepris cet éloge. Si je suis resté beaucoup au-dessous, pouvait-il m’arriver autre chose dans l’abattement où