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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/979

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JEAN CHRYSOSTÔME

pas en lui ; il n’observe pas les hommes pour le plaisir de les connaître ou de les décrire ; seul, le désir de les corriger le possède et l’absorbe. Et si, par suite, l’observation est chez lui moins variée, moins complexe, moins riche en aperçus que chez les moralistes plus libres qui la cultivent pour elle-même, elle est en revanche plus méthodique et plus forte. À Antioche comme à Constantinople, il n’a pas cessé un seul jour de chercher, d’un regard obstiné, tout ce qui pouvait faire obstacle à la sanctification soit dans l’individu, soit dans la famille, soit dans la société. Et comme sa franchise égalait sa clairvoyance, il a dit avec la liberté d’un apôtre ce qu’il avait découvert avec le zèle d’un censeur. Il en résulte que presque toute la société du temps revit dans ses peintures. Nous y voyons ses vices généraux sous la forme qu’ils prenaient en Orient, le goût des plaisirs, l’immoralité, la passion des jeux et des spectacles, l’amour du luxe, l’égoïsme de la richesse ; nous y relevons aussi avec intérêt des traits plus particuliers, la frivolité des auditoires religieux, le laisser-aller de certains membres du clergé, les sollicitations et les intrigues des femmes qui les assiégeaient, les propos malveillants qui circulaient jusque dans la communauté chrétienne. Aucun prédicateur, en aucun temps, n’a saisi aussi vivement que lui la réalité contemporaine, et, par conséquent, aucun ne la fait mieux connaître.

Hardies et variées, ces peintures semblent d’ailleurs des peintures fidèles. L’orateur, qui est enclin à l’exagération dans la doctrine, ne paraît pas l’être dans ses descriptions. Visant, comme il le fait, à corriger, il manquerait à son dessein, s’il exagérait. D’ailleurs, il n’y a chez lui ni goût sensible de l’hyperbole dans l’expression, ni recherche de l’esprit. Tout ce qu’il dit est précis ; il prend à témoin ses auditeurs ; il leur met sous les yeux des choses qu’ils doivent reconnaître. L’abon-