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DE D’ALEMBERT.

tère avait été souvent aussi funeste qu’une révolution, ne dcvait pas être le séjour d’un philosophe qui était bien sur de n’avoir aucun des talens nécessaires pour s’y conduire.

Il refusa donc cet honneur, comme il l’aurait accepté, sans orgueil et sans ostentation ; cependant ces offres lui furent utiles, elles servirent à faire mieux connaître à la nation française la valeur de ce qu’elle possédait ; et la jalousie littéraire, la haine des partis furent envenimées, mais subjuguées par la force de l’opinion publique.

En 1765, d’Alembert donna son ouvrage sur la destruction des Jésuites : l’abolition de cet ordre lui parut un événement assez important dans l’histoire des opinions humaines, pour mériter qu’il en traçât les détails ; et cette histoire fut impartiale ; aussi ne manqua-t-elle pas d’augmenter la haine que les deux partis avaient contre lui : cette haine se signala par des libelles dont les auteurs ne prouvaient qu’une seule chose, c’est que d’Alembert avait eu raison dans ce qu’il avait dit de leur parti ; ils répondaient à l’accusation d’être fanatiques, en laissant échapper naïvement les traits du fanatisme le plus emporté et le plus stupide, et d’Alembert ne crut pas devoir répondre à des adversaires qui savaient si bien défendre sa cause.

Après avoir donné ses Recherches sur le système du monde, il n’entreprit plus de grands ouvrages mathématiques ; mais il publia dans les recueils des académies dont il était membre, et dans neuf volumes d’opuscules, un nombre très-grand de mémoires ; on y trouve l’application de ses principes et de ses méthodes au problème de la libration de la lune, à ceux de la précession des équinoxes et de la nutation de l’axe de la terre dans l’hypothèse de la dissimilitude des méridiens, aux lois générales du mouvement de rotation, à celles des oscillations des corps plongés dans les fluides ; il y perfectionne sa théorie des fluides, et sa solution du problème des trois corps ; il y étend ses méthodes de calcul : mais nous devons nous arrêter ici seulement aux objets entièrement nouveaux, qui ont été alors le sujet de ses méditations.

Les mathématiques offrent souvent des questions où les résultats des calculs présentent des difficultés que le calcul ne peut résoudre seul ; il faut qu’il emploie le secours quelquefois dangereux de la métaphysique ; ce n’est plus seulement du génie de la géométrie que dépend la solution des difficultés, mais de la finesse, de la justesse naturelle de l’esprit. D’Alembert a discuté, dans ses opuscules, quelques unes de ces questions.

Telle fut celle de la nature des logarithmes des quantités négatives ; Léibnitz et Jean Bernoulli l’avaient agitée ; Euler et d’Alembert la renouvelèrent : le premier soutint l’avis de Léibnitz, le second celui de Bernoulli ; ils se servirent de toutes les raisons que les nouvelles vérités découvertes dans l’analyse pouvaient leur offrir ; avec un génie égal à celui des deux premiers combattans, ils employèrent des armes plus fortes ; cependant la victoire resta encore indécise, et l’on peut juger de la difficulté d’une question dont de tels hommes n’ont pu dissiper tous les nuages.

D’Alembert eut une autre discussion du même genre avec M. de La