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SUR LE MOUVEMENT DES FLUIDES.

prouver combien il est à propos d’unir la géométrie à la physique. C’est par le secours de la géométrie qu’on parvient à déterminer exactement la quantité d’un effet compliqué, et dépendant d’un autre effet mieux connu ; cette science nous est par conséquent presque toujours nécessaire dans la comparaison et l’analyse des faits que l’expérience nous découvre. Il faut avouer néanmoins que les différens sujets de physique ne sont pas également susceptibles de l’application de la géométrie. Si les observations qui servent de base au calcul, sont en petit nombre, si elles sont simples et lumineuses, le géomètre sait alors en tirer le plus grand avantage, et en déduire les connaissances physiques les plus capables de satisfaire l’esprit. Des observations moins parfaites servent souvent à le conduire dans ses recherches, et à donner à ses découvertes un nouveau degré de certitude : quelquefois même les raisonnemens mathématiques peuvent l’instruire et l’éclairer, quand l’expérience est muette, ou ne parle que d’une manière confuse. Enfin, si les matières qu’il se propose de traiter, ne laissent aucune prise à ses calculs, il se réduit alors aux simples faits dont les observations l’instruisent : incapable de se contenter de fausses lueurs quand la lumière lui manque, il n’a point recours à des raisonnemens vagues et obscurs, au défaut de démonstrations rigoureuses.

Newton, qui a été incontestablement le plus grand physicien de son siècle, n’est parvenu à ce degré de gloire que pour avoir constamment suivi une pareille méthode. Les découvertes dont ce grand homme a enrichi la physique, montrent assez qu’il est le modèle que nous devons nous proposer, si nous voulons faire quelques progrès dans cette science, et que nos succès dépendront de notre exactitude à ne point nous écarter des règles que nous venons d’établir.

La matière que j’entreprends de traiter dans cet ouvrage est peut-être une de celles où ces règles peuvent le mieux s’appliquer. Dès les premiers pas qu’on veut faire dans la théorie des fluides, on s’aperçoit aisément combien le secours de l’expérience est nécessaire pour en connaître les propriétés. Mais chercherons-nous à nous éclairer dans un sujet si compliqué par des expériences multipliées à l’infini ? presque toutes celles que nous pouvons tenter sur cette matière, sont si mêlées de circonstances qui nous éloignent de la précision, et nous dérobent, pour ainsi dire, la vérité, qu’elles ne doivent être regardées, pour la plupart, que comme un moyen de confirmer et d’appuyer nos calculs. L’art consiste donc à les réduire et à les simplifier pour en former un véritable corps de