Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
DES VENTS.

et que l’agitation de l’atmosphère provienne de l’attraction seule de la lune et du soleil.

J’avoue qu’après avoir résolu ce problème, on sera encore bien éloigné de connaître d’une manière certaine le cours et les lois des vents. Mais la plupart des questions physico-mathématiques sont si compliquées, qu’il est nécessaire de les envisager d’abord d’une manière générale et abstraite, pour s’élever ensuite par degrés des cas simples aux composés. Si on a fait jusqu’ici quelques progrès dans l’étude de la nature, c’est à l’observation constante de cette méthode qu’on en est redevable. Une théorie complète sur la matière que nous traitons, est peut-être l’ouvrage de plusieurs siècles ; et la question dont il s’agit est le premier pas que l’on doive faire pour y parvenir. De nouvelles connaissances nous mettront en état d’en faire de nouveaux. Tâchons donc d’ouvrir, autant qu’il sera en nous, l’entrée d’une route peu frayée jusqu’ici, et que nous ne devons pas espérer de voir sitôt aplanie entièrement.

Pour embrasser à la fois le moins de difficultés qu’il est possible, imaginons d’abord que le soleil et la lune soient l’un et l’autre sans mouvement, et que la terre soit un globe solide en repos, couvert jusqu’à telle hauteur qu’on voudra d’un fluide homogène, rare et sans ressort, dont la surface soit sphérique ; supposons, de plus, que les parties de ce fluide pèsent vers le centre du globe, tandis qu’elles sont attirées par le soleil et par la lune ; il est certain que si toutes les parties du fluide et du globe qu’il couvre, étaient attirées avec une force égale et suivant des directions parallèles, l’action des deux astres n’aurait d’autre effet que de mouvoir ou de déplacer toute la masse du globe et du fluide, sans causer d’ailleurs aucun dérangement dans la situation respective de leurs parties. Mais, suivant les lois de l’attraction, les parties de l’hémisphère supérieur, c’est-à-dire de celui qui est le plus près de l’astre, sont attirées avec plus de force que le centre du globe ; et au contraire les parties de l’hémisphère inférieur sont attirées avec moins de force : d’où il s’ensuit que le centre du globe étant mû par l’action du soleil ou de la lune, le fluide qui couvre l’hémisphère supérieur, et qui est attiré plus fortement, doit tendre à se mouvoir plus vite que le centre, et par conséquent s’élever avec une force égale à l’excès de la force qui l’attire sur celle qui attire le centre ; au contraire, le fluide de l’hémisphère inférieur étant moins attiré que le centre du globe, doit se mouvoir moins vite ; il doit donc fuir le centre, pour ainsi dire, et s’en éloigner avec une force à peu près égale à celle de l’hémisphère supérieur. Ainsi le fluide s’élèvera aux deux points opposés qui sont dans