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Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/595

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l’existence de Dieu, qu’il en a cherché et donné des preuves nouvelles, a cru devoir attaquer quelques argumens puérils et même indécens, par lesquels certains auteurs ont voulu établir cette grande vérité, et n’ont fait que l’outrager et l’avilir. Ce philosophe enlevait aux athées des armes que l’ineptie leur prêtait ; devait-il s’attendre qu’on l’accusât de leur en fournir ? Voilà néanmoins ce que des censeurs ignorans ou de mauvaise foi n’ont pas eu honte de lui reprocher. Ainsi l’illustre Boerhaave fut autrefois accusé de spinosisme, parce qu’ayant entendu attaquer fort mal ce système par un inconnu plus orthodoxe qu’éclairé, il demanda à l’adversaire de Spinosa s’il avait lu celui qu’il attaquait.

VIII. Le même philosophe, trop facilement ébranlé du partage de certains scolasliques sur les argumens de l’existence de Dieu, a prétendu que les preuves dont on l’appuie ne sont pas des démonstrations proprement dites, qu’elles ne roulent que sur des probabilités très-grandes, et qu’ainsi elles ne peuvent tirer une force invincible que de leur multitude et de leur union. Nous sommes bien éloignés de croire qu’aucune preuve de l’existence de Dieu n’est rigoureusement démonstrative ; mais nous n’en sommes pas plus disposés à taxer d’athéisme ceux qui penseraient autrement. L’existence de César n’est pas démontrée comme les théorèmes de géométrie ; est-ce une raison pour la révoquer en doute ? Dans une infinité de matières, plusieurs argumens, dont chacun en particulier n’est que probable, peuvent former dans l’esprit par leur concours une conviction aussi forte que celle qui naît des démonstrations même ; comme le concours des témoignages pour constater un fait, produit une certitude aussi inébranlable que celle de la géométrie, quoique d’une espèce différente. C’est ce que Pascal lui-même avait déjà remarqué à l’occasion des preuves de l’existence de Dieu ; et jamais Pascal a-t-il été soupçonné de regarder cette vérité comme douteuse ? Les ennemis de ce grand homme ont bien dit que pour réponse aux dix-huit Provinciales, il suffisait de répéter dix-huit fois qu’il était hérétique ; mais ils n’ont pas osé dire une seule fois qu’il fût athée[1].

  1. Nous ne craindrons pas plus que ce grand homme d’être accuse d’athéisme, en faisant ici à son occasion même quelques réflexions sur certains argumens qu’on joint pour l’ordinaire aux preuves de l’existence de Dieu. De ce nombre est l’argument fameux qu’on appelle gageure de Pascal ; il se réduit à prouver qu’on risque davantage à nier un premier être qu’à l’admettre. Cet argument ne peut avoir de force qu’autant qu’il est joint avec d’autres, qu’il les précède, et qu’il les prépare ; et c’est aussi l’intention dans laquelle Pascal l’a proposé. Car il ne peut y avoir de risque pour nous à douter