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Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/71

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DE L’ENCYCLOPÉDIE.

rapprochées ne nous offrent, à proprement parler, qu’une connaissance simple et unique. Si d’autres en plus grand nombre sont détachées pour nous, et forment des vérités différentes, c’est à la faiblesse de nos lumières que nous devons ce triste avantage ; et l’on peut dire que notre abondance à cet égard est l’effet de notre indigence même. Les corps électriques dans lesquels on a découvert tant de propriétés singidières, mais qui ne paraissent pas tenir l’une à l’autre, sont peut-être en un sens les corps les moins connus, parce qu’ils paraissent l’être davantage. Cette vertu qu’ils acquièrent, étant froltés, d’attirer de petits corpuscules, et celle de produire dans les animaux une commotion violente, sont deux choses pour nous ; c’en serait mie seule si nous pouvions remonter à la première cause. L’univers, pour qui saurait l’embrasser d’un seul point de vue, ne serait, s’il est permis de le dire, qu’un fait unique et une grande vérité.

Les différentes connaissances, tant utiles qu’agréables, dont nous avons parlé jusqu’ici, et dont nos besoins ont été la première origine, ne sont pas les seules que l’on ait dû cultiver. Il en est d’antres qui leur sont relatives, et auxquelles par cette raison les hommes se sont appliqués dans le même temps qu’ils se livraient aux premières. Aussi nous aurions en même temps parlé de toutes, si nous n’avions cru plus à propos et plus conforme à l’ordre philosophique de ce discours, d’envisager d’abord sans interruption l’étude générale que les hommes ont faite des corps, parce que cette étude est celle par laquelle ils ont commencé, quoique d’autres s’y soient bientôt jointes. Voici à peu près dans quel ordre ces dernières ont dû se succéder.

L’avantage que les hommes ont trouvé à étendre la sphère de leurs idées, soit par leurs propres efforts, soit par le secours de leurs semblables, leur a fait penser qu’il serait utile de réduire en art la manière même d’acquérir des connaissances, e#celle de se communiquer réciproquement leurs propres pensées ; cet art a donc été trouvé, et nommé logique. Il enseigne à vanner les idées dans l’ordre le plus naturel, à en former la chaîne la plus immédiate, à décomposer celles qui en renferment un trop grand nombre de simples, à les envisager par toutes leurs faces, enfin à les présenter aux autres sous une forme qui les leur rende faciles à saisir. C’est en cela que consiste cette science du raisonnement qu’on regarde avec raison comme la clef de toutes nos connaissances. Cependant il ne faut pas croire qu’elle tienne le premier rang dans l’ordre de l’invention. L’art de raisonner est un présent que la nature fait d’elle-même aux bons esprits, et on peut dire que les livres qui en traitent ne sont guère utiles qu’à

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