Page:Darmesteter - Essai sur la mythologie de l’Avesta.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

abstraite. Dans l’interprétation de cette valeur, est-elle d’accord avec l’étymologie ?

Oui, pour Ameretât où elle voit : « ce qui produit l’immortalité (amṛtyu-pracâra^^1) ». Non, pour Haurvatât, et cela par la force même des choses. Les deux sens primitife de haurva, servus et salvus, étaient en effet sortis de l’usage vulgaire du zend ; les Parses ne lui connaissaient que son dernier sens, le plus éloigné de sa valeur première, le sens de tout il leur était donc absolument impossible de reconnaître dans Haurvatât ce qui conserve, la santé, et ils ne pouvaient s’aviser de demander au chien paçus-haurva des renseignements sur l’Amshaspand Haurvatât Force était pour eux de partir du sens de tout, le seul qu’ils connussent ; ils ne traduisirent point le mot par totalité, ce qui n’offrait aucun sens ; mais, prêtant au suffixe -tâi un sens actif, ils firent de Haurvatât « celui qui produit tout, sarva-pracaram^^2 ». Mais en cela ils donnaient au suffixe -tât un sens qu’il n’a pas. Ici, il est vrai, les grammairiens de l’Inde semblent venir au secours de leurs frères de Perse : ils déclarent que le suffixe -tâti (dont le suffixe zend tât est dérivé) s’emploie aussi bien kare que bhâve, c’est-à-dire pour désigner l’agent que pour marquer l’état et que, par exemple, çivatâti signifie aussi bien « celui qui rend bienheureux » que « l’état de bienheureux »^^3. Mais en réalité il y a infiniment loin de çivatâti « qui rend heureux » à hau7watâï « qui produit tout » ; dans le premier mot, çiva est attribut, dans le second haurva serait régime, et dans haurvatât tel qu’on le traduit, -tai n’est plus un suffixe, c’est une racine verbale employée avec la force verbale ; fïm^d^i est un dérivé secondaire, le sens prêté k haurvatât en ferait un composé.

Donc le mot haurvatât ne peut signifier « ce qui produit tout » ; mais cela n’empêche point qu’on ne lui ait prêté ce sens, le sens primitif étant oublié, et rien au fond de plus naturel et de plus légitime, car Haurvatâi était devenu, en fait, « le dieu qui produit tout ». Haurvatât et Ameretât, génies des eaux et des plantes, étaient par cela même les divinités des biens matériels, les divinités de l’Abondance. Qu’arrivait-il donc quand on

1. Nériosengh 17, 18.

2. Nériosengh 17, 17.

3. Pânini 4. 4. 143. Çiva-çam-arishtasya kare (tâtil), c’est-à-dire : le suffixe tâti est employé au sens de « ce qui rend » après çiva, çam, arishia ; çivasya karah. dit le scholiaste = çivatâti. — Pour sarvatâti, voir § 50.