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Page:Darmesteter - Essai sur la mythologie de l’Avesta.djvu/69

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Cette histoire peut se diviser en trois périodes.

I. Dans une première période, Haurvatât et Ameretât n’ont encore que la valeur que leur nom révèle, ou du moins cette valeur est encore comprise et prédominante : on les invoque comme dieux de la santé et de l’immortalité. On sait sans floute qu’ils opèrent par les eaux et les plantes, mais l’instrument de leur action n’a pas encore voilé leur action même : leur nom éveille l’idée de cette action et non de cet instrument. C’est à cette première période que se rapportent, d’une part, les formules gâthiques comme : « Ahura donne à ceux qui suivent la bonne voie santé et immortalité », ou bien : « puissent Santé et Immortalité nous donner force et durée (tévîshî itayûitî) » ; d’autre part, la formule parsie : Khordâd et Amurdâd combattent Târîc et Zârîc, c’est-à-dire : Santé et Immortalité combattent Maladie et Mort.

II. Dans la période qui suit, le trait matériel et accessoire a effacé le trait primitif : ce qui a facilité cette transformation naturelle, c’est la perte à peu près complète du mot haurva au sens de servus salvus ; on ne sait plus que haurvatât signifie santé, mais on sait que Haurvatât et Ameretât agissent par les eaux et par les plantes, et par suite ils en deviennent les dieux, Ameretât conserve plus longtemps le souvenir de son ancienne valeur, parce que son nom est encore transparent ; de là ces formules gâthiques où il est encore au premier étage, tandis qu’à ses côtés Haurvatât est déjà au second (§ 30, 3°). Mais le sens primitif devient de plus en plus accessoire, le sens matériel devient de plus en plus exclusif ; si l’on reconnaît encore dans leurs noms des noms abstraits, la valeur abstraite qu’on y découvre est dictée par leur valeur matérielle, et ils deviennent dieux de l’abondance, parce que l’on voit dans Haurvatât celui qui produit tout.

III. À cette seconde période, période de combinaison, d’élaboration, de transformation qui laisse encore entrevoir par moment le sens primitif des deux génies et essaie encore de leur conserver une valeur abstraite, succède enfin une troisième période, où toute valeur primitive et abstraite est oubliée, où l’attribut matériel domine seul et exclusivement. Haurvatât et Ameretât ne sont plus que les dieux des eaux et des plantes[1], et ils combattent la

  1. Écoutez le Zerdusht Nâmeh (ouvrage de la seconde moitié du XIIIe siècle) : Zoroastre vient de faire connaissance avec les quatre premiers Amshaspands et de recevoir leurs conseils ; c’est au tour de