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LETTRES SUR L’INDE

ans, le souvenir d’Avitabile est toujours vivant, il n’y avait pas d’Afghan avec qui j’avais affaire, qui apprenant que j’étais Prachich, ne me parlât aussitôt avec beaucoup de déférence de mon compatriote Avitabile ; j’avais beau décliner l’honneur et honnêtement rendre Avitabile à l’Italie, j’y perdais ma peine, et Prachich il restait. Prachich, vous comprenez, tout le monde connaît ce nom-là ; mais s’il y avait un peuple italien, cela se saurait. Je me résignai donc et tâchai de profiter pour mon propre compte de la considération dont jouissait Avitabile.

La légende populaire est capricieuse dans sa justice. M. Allard, l’ami de Jacquemont, le plus illustre des officiers de Rundjet Singh, est oublié, et son plus beau fait d’armes, son merveilleux passage de l’Indus, a passé au compte de Rundjet. C’était en 1823, après la bataille de Nauchéhra, la première victoire des Sikhs sur les Yousoufzais, mais victoire chèrement payée et qui rendait le Radjah pensif. Il campait sur la rive gauche de l’Indus, où il avait affaire avec les Afghans de Gandgarh. Les Yousoufzais, se voyant à l’abri derrière le fleuve qui, en cet endroit, est très rapide et très profond, se mirent à insulter les Sikhs et à égorger des vaches, — outrage sans nom pour un Hindou et surtout pour un Sikh. Rundjet, hors de lui, ordonne de pas-