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VII. — LES AFGHANS DE LA REINE

judge juge sur preuve matérielle. Or, cette preuve, il ne peut guère la trouver, parce qu’il ne trouve pas de témoins. Le résultat, c’est que, sur six crimes, cinq échappent impunis[1]. On a essayé d’un expédient : on a renvoyé à la djirga, au conseil de la tribu, nombre de causes où les témoignages font défaut ; les Afghans, qui se croiraient déshonorés de témoigner devant le juge anglais, ne craignent pas de comparaître devant leurs compatriotes, et les crimes qui sont tels aux yeux d’un Afghan aussi bien qu’aux yeux d’un Anglais ont quelque chance d’être frappés. Mais ce n’est qu’une proportion infime, parce que la définition du crime n’est point la même pour les deux races. C’est là la grosse difficulté et le grand obstacle à la formation de la conscience légale.

Le crime, chez les Afghans, a généralement pour motif un des trois z, à savoir zar, zamin ou zan, l’argent, la terre ou la femme. Or, s’il n’est pas impossible de faire comprendre à un Afghan que l’homme qui tue pour les deux premiers z doit aller à la potence, il ne comprend pas qu’un

  1. Une commission a été nommée récemment pour la répression du crime à la frontière ; mais elle n’a pas encore abouti et l’on continue comme devant à assassiner dans Péchawer, à empoisonner et incendier dans le Hazara : c’est la grande différence entre les deux districts : Hazara n’est point afghan pur, ce qui fait que le crime y est plus sournois.