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IX. — PHILOSOPHIE AFGHANE

sur ma mère, ma fille, ma sœur ; mais pas un mot de ma femme ! »

Séid Omar a une fille et deux manuscrits. Un jour, il m’apporte les deux manuscrits et me demande si je veux les acheter, car les temps sont durs. L’un est en prose et est de Babou-Djan, le fameux théologien ; l’autre est un Divan[1] du poète Talab Chah. Il me laisse les manuscrits, et, le lendemain, je lui réponds que je les prends : il se trouble, barbotte, puis enfin me dit qu’il ne peut me céder que le Divan, qu’autrement il aurait affaire à sa fille. « Car j’ai une fille de dix-huit ans, qui est belle, et parda-nichine[2], et qui lit le Coran illustre aussi bien que le meilleur mollah. Quand elle a appris que je vous avais apporté les deux manuscrits, elle s’est écriée : « Mon père, si nous sommes si pauvres, vous pouvez vendre au Firanghi le Divan de Talab Chah, qui ne contient que des poésies d’amour et traite de choses profanes, mondaines et passagères. Mais je n’admets pas que vous vendiez le Babou Djan, qui est un livre plein de pensées pieuses et d’histoires

  1. Recueil de poésies lyriques.
  2. Parda-nichine, assise sous le rideau, qui n’a jamais vu le regard d’un homme.