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LETTRES SUR L’INDE

une grosse faute diplomatique : Séid Omar voulait tâter le terrain, et préjuger la ligne que pourrait bien suivre la politique prachiche entre les deux religions hostiles : ma réponse vient de gâter toutes les chances de la France. Il me fait observer un peu sèchement que cette impartialité est étrange ; que si des Firanghis étaient en guerre contre les Hindous, les Musulmans considereraient, eux, comme un devoir sacré d’aider les Firanghis, parce que les Firanghis sont après tout « peuple du livre » et que les Hindous sont de purs païens, des kafirs.

Pour changer la conversation, je passe en Afrique et lui demande ce qu’il pense du Mahdi. — « Quel Mahdi ? — Celui de Khartoum. — Je ne connais pas. » Je lui conte l’histoire du Mahdi, qu’au fond il connaît aussi bien que moi. Mon histoire achevée, il me demande, avec un léger accent d’ironie, à quoi je le reconnais pour Mahdi. « Mais ! sa piété, ses signes, ses victoires ! — Le Sahib de Svat était aussi pieux qu’a pu l’être votre Mahdi et a battu les Engriz à Ambéla[1] sans s’arroger pour cela le titre de Mahdi. Et pourtant, lui, venait de l’Orient et non du Couchant, comme cet imposteur. Et

  1. Voir plus haut, pages 121 et suivantes.