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Page:Darmesteter - Lettres sur l’Inde, à la frontière afghane.djvu/242

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LETTRES SUR L’INDE

aussi parce qu’elle laisse deviner au lointain les passes d’où sont descendus ici les Hellènes et les Scythes et les Parthes, et Timour avec ses Tartares, et Baber avec ses Mogols, et Ahmed avec ses Afghans ; parce que les fantômes de l’histoire se dressent sur toutes ces crêtes, et que c’est une belle chose de voir défiler de la montagne les grandes chevauchées d’images ; et je l’aime aussi parce qu’on y rencontre, guitare sous le bras, dast panâh[1] en main, de petits fakirs en robe verte.

— Petit fakir en robe verte, quel âge as-tu ?

— Quatorze ans, Sâb, s’il plaît à Dieu, au prochain Moharrem.

— Petit fakir en robe verte, pourquoi portes-tu la robe verte ?

L’enfant redressa fièrement sa taille frêle et sa tête franche et dit : « Je suis Séid et je descends de Fatimah, fille du Prophète.

— Quel est ton père et que fait-il ?

— Mon père est un Bouzourg[2].

— C’est vrai, Sâb, interrompit le saïs ; son père est un grand Bouzourg ct qui fait beaucoup

  1. Dast panâb, protège-main, long tison de fer qui sert aussi d’appui dans la marche.
  2. Bouzourg, un Puissant ; c’est-à-dire un saint doué du don du miracle.