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LETTRES SUR L’INDE

Fatteh Khan et de l’empereur Akbar, et m’expliquer la chanson de Mouqarrab Khan et des Khédou Kheil. Je me soulevai de ma chaise de Guzerate, et lui dis : « Ibrahim, nous ne lirons pas aujourd’hui. J’ai plus envie de dormir que de lire : Mounchi, contez-moi votre histoire. »

Ibrahim souleva de sa tête son vaste turban blanc dix fois enroulé, essuya la sueur de son crâne ras, remit le turban, caressa de la main sa longue barbe noire et soyeuse, rit intérieurement, entre ses dents blanches, puis extérieurement, au souvenir ramassé de tout ce qu’il y a de merveilleux et d’unique dans sa carrière, et commença enfin : « Sâb… » Profitons des lenteurs de la politesse du début et des longues formules de pieuse reconnaissance au Seigneur, pour vous présenter sommairement mon interlocuteur, Maulévi Mohammed Ibrahim Khan, le célèbre Mounchi, dont la réputation s’étend du district de Hazara, qui est au nord, au district de Déra Ghazi Khan, qui est au sud.

Ibrahim est le Mounchi le plus gras, le plus satisfait et le plus honoré que l’on puisse rencontrer sur la frontière. Ah ! si Altaf, le poète amer de Delhi, connaissait Ibrahim, il ne dirait plus que le Musulman n’est point doué pour faire fortune et n’a rien à espérer dans ce monde