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LETTRES SUR L’INDE

II

Décidément, il y avait quelque chose. Ibrahim était distrait ; il oubliait de me montrer pour la onzième fois son invitation pour le durbar que le vice-roi va tenir à Lahore, en novembre prochain, et de me demander mon avis sur la grosse question de la toque de fellow : un bon Musulman peut-il, pour si peu de temps que ce soit, renoncer au turban ? Par instant, il tirait de sa poitrine un long soupir.

— Ibrahim, vous avez un chagrin ?

— Non, Sâb, c’est la chaleur.

Un jour enfin, après un soupir plus long que d’ordinaire, il me dit : « Sâb, il faut que je vous dise ce que j’ai : je n’en ai parlé à aucun des autres Sâbs, parce qu’ils ne sont pas discrets et qu’ils se moqueraient de moi. Mais vous, c’est autre chose. J’ai un grand chagrin.

« Vous savez que j’ai un fils, nommé Piro Khan. C’est un garçon très doux, et qui me remplacera comme Mounchi quand je serai trop