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XXIV
LETTRES SUR L’INDE

et désiré. Au moment des affaires de Penjdeh, me disait un des hauts fonctionnaires du Nord, les Indiens de Lucknaw jouaient sur les chances de l’Angleterre et de la Russie, sans grande passion pour l’une ou pour l’autre, mais avec une grande curiosité. Les classes riches redourent l’arrivée des Russes : elles se rappellent Nadir Chah et les Afghans : elles se disent que les Russes viendront les louter[1] en grand et se retireront. Elles auraient moins peur si elles pensaient que les Russes resteront. Les politiciens voudraient les Russes comme voisins, mais non comme maîtres : ce seraient des voisins utiles, pensent-ils ; la crainte des Russes serait pour l’Anglais le commencement de la sagesse et des concessions. Le calcul n’est pas bien profond : c’est une naïveté singulière de penser qu’avec les Russes il y ait à choisir entre voisin et maître.

D’alliés ouverts et actifs, si le choc se produit, la Russie n’en trouvera pas, à moins d’un premier succès éclatant. Si des velléités de révolte se produisent, l’on peur compter sur un de ces éclairs d’énergie subite que l’Anglo-Indien trouve toujours au moment du besoin pour les étouffer dans la terreur. La race des Nicholson n’est pas éteinte. Mais de

  1. Piller ; cf. p. 104.