Page:Darmesteter - Lettres sur l’Inde, à la frontière afghane.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
324
LETTRES SUR L’INDE

le long jet d’eau qui le traverse, le prisme de ses fleurs, le bruissement de sa forêt, le vertige de ses senteurs ; le Taj, émergeant à demi de la verdure, dans la blancheur immaculée de son dôme et de ses tours, sous l’azur pâle du jour indien, dans l’enchantement des couleurs, des bruits et des parfums, le Taj devient beau comme un rêve. Le tombeau et le jardin sont le corps et l’âme d’un grand être, merveilleux de grâce, de fraîcheur et de fantôme. À l’intérieur, la chambre sépulcrale, où l’on descend par un souterrain, est noire comme la mort, mais elle rend un écho d’une sonorité et d’une douceur étrange, qui n’est point de ce monde et qui a pourtant une réalité qui vous saisit et qui vous enveloppe. On croirait marcher sur l’écho comme sur un tapis, le savourer comme une ambroisie de musique. C’est cet écho merveilleux que l’on trouve dans toutes les tombes de l’Inde, jusque dans la tombe ouverte en plein ciel de M. Raymond à Hyderabad. Ce n’est point une voix de regret, car elle ressemblerait davantage aux voix de la terre ; c’est une voix de résignation, de douceur et de promesse.

C’est pour sa bien-aimée, Moumtaz-Mahall[1],

  1. Moumtaz Mahall signifie l’Élue du Palais. Taj est abrégé de Mountaz. À proprement parler, le nom ne désigne pas le tombeau de l’Impératrice, mais l’Impératrice elle-même.