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LETTRES SUR L’INDE

il en est une où le garivala[1] vous conduit immédiatement, sans que vous le demandiez, ce qui ne laisse pas, d’abord, de vous étonner un peu, car l’indigène de Péchawer n’aime pas conduire un Firanghi à la mosquée. Mais quand vous y regardez de plus près, vous voyez que les minarets ne sont pas faits pour le muezzin, et que les inscriptions en lettres arabes qui courent sur le fronton vous parlent du Christ. La mosquée est une église, c’est l’église de « Tous les Saints » de la mission anglicane. J’en sais qui aiment peu cette façon oblique d’attirer au Christ sous les couleurs d’Allah et de gagner les âmes en contrefaçon ; il y a là comme une insulte à deux religions. À l’intérieur de l’église, la nef est pour les Européens, le transept de droite est pour les chrétiens indigènes ; de cette façon, les deux castes de fidèles voient l’autel et le prêtre sans s’apercevoir les uns les autres ; leurs regards et leurs prières ne courent point le risque de se heurter, et leurs âmes se rencontrent en Dieu, sans promiscuité sur la terre : car le Christ des temps passés a annoncé l’égalité de l’homme devant Dieu, mais non pas devant l’homme. Pourtant, dans cette église étrange, il y a une pierre qui répare tout, sanctifie tout : c’est

  1. Le cocher indigène.