Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/308

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Dans l’entre-temps, tous les soudards ayant paſſé le fleuve & se mettant en bon ordre à la voix des colonels & capitaines, les dix rangs d’archers paſſèrent également.

Et le Taiſeux dit :

— Marchons sur Liége !

Ulenſpiegel en fut joyeux, & avec tous les Flamands s’exclama :

— Longue vie à d’Orange, marchons sur Liége !

Mais les étrangers, & notamment les Hauts-Allemands, dirent qu’ils étaient trop lavés & rincés pour marcher. Vainement le prince les aſſura qu’ils allaient à une sûre victoire, en une ville amie, ils ne voulurent rien entendre, allumèrent de grands feux & se chauffèrent devant, avec leurs chevaux déharnachés.

L’attaque de la ville fut remiſe au lendemain où d’Albe, grandement ébahi du hardi paſſage, apprit, par ses eſpions, que les soudards du Taiſeux n’étaient point encore prêts à l’attaque.

Sur ce, il fit menacer Liége & tout le pays d’alentour de les mettre à feu & à sang, si les amis du prince y faiſaient quelque mouvement. Gérard de Groeſbeke, le happe-chair épiſcopal, fit armer ses soudards contre le prince qui arriva trop tard, par la faute des Hauts-Allemands, qui avaient eu peur d’un peu d’eau dans leurs chauſſes.


XIII


Ulenſpiegel & Rieſencraft ayant pris des seconds, ceux-ci dirent que les deux soudards se battraient à pied juſqu’à ce que mort s’enſuivît, s’il plaiſait au vainqueur, car telles étaient les conditions de Rieſencraft.

Le lieu du combat était une petite bruyère.

Dès le matin, Rieſencraft se vêtit de son coſtume d’archer. Il mit la salade à gorgerin, sans viſière, & une chemiſe de mailles sans manches. L’autre chemiſe s’en allant par morceaux, il la plaça dans sa salade pour en faire au beſoin de la charpie. Il se munit de l’arbalète de bon bois des Ardennes, d’une trouſſe de trente flèches, d’une dague longue, mais non d’une épée a deux mains, qui eſt épée d’archer. Et il vint au champ de combat monté