Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/85

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ployer toute ma vie a la recherche d’vne ſcience ſi neceſſaire, & ayant rencontré vn chemin qui me ſemble tel qu’on doit infalliblement la trouuer, en le ſuiuant, ſi ce n’eſt qu’on en ſoit empeſché, ou par la brieueté de la vie, ou par le defaut des experiences, ie iugeois qu’il n’y auoit point de meilleur remede contre ces deux empeſchemens, que de communiquer fidellement au public tout le peu que i’aurois trouué, & de conuier les bons eſprits a taſcher de paſſer plus outre, en contribuant, chaſcun ſelon ſon inclination & ſon pouuoir, aux experiences qu’il faudroit faire, & communiquant auſſy au public toutes les choſes qu’ils apprendroient, affin que les derniers commençant ou les precedens auroient acheué, & ainſi ioignant les vies & les trauaux de pluſieurs, nous allaſſions tous enſemble beaucoup plus loin, que chaſcun en particulier ne ſçauroit faire.

Meſme ie remarquois, touchant les experiences, qu’elles ſont d’autant plus neceſſaires, qu’on eſt plus auancé en connoiſſance. Car, pour le commencement, il vaut mieux ne ſe ſeruir que de celles qui ſe preſentent d’elles meſmes a nos ſens, & que nous ne ſçaurions ignorer, pouruû que nous y facions tant ſoit peu de reflexion, que d’en chercher de plus rares & eſtudiées : dont la raiſon eſt que ces plus rares trompent ſouuent, lorſqu’on ne ſçait pas encore les cauſes des plus communes, & que les circonſtances dont elles dependent ſont quaſi touſiours ſi particulieres & ſi petites, qu’il eſt tres malayſé de les remarquer. Mais l’ordre que i’ay tenu en cecy a eſté tel. Premierement, i’ay taſché de trouuer en general les