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444 Vie de Descartes.

suffit. Il donne comme exemple la rivière que le Jésuite avait sous les yeux à Orléans, et que lui-même venait précisément de revoir: la Loire reste la même entre ses rives et dans son lit, bien que toute l'eau soit écoulée et que la terre qui l'environne puisse être changée entièrement *.

Avec le P. Mesland, Descartes ne s'arrête pas aux dimensions extérieures de la substance du pain ou du vin : il pénètre plus avant. Par quel mystère le pain et le vin, que nous mangeons et buvons chaque jour pour no^re nourriture, deviennent-ils notre propre corps? C'est qu'ils se mêlent à notre sang et ensuite à nos membres, et que le tout, les membres, le sang, et les aliments eux-mêmes sont unis à notre âme et « informés » par elle. Descartes reprend ici ce vieux terme de la Scolastique, dont il ne se sert pas ailleurs. L'essentiel est cette union, et si l'on peut dire, cette « information ». Elle s'étend aux parties aussi bien qu'au tout, et même aux diverses parties indépendamment du tout. C'est ainsi que les particules de pain et de vin deviennent notre corps, sans cesser d'être telles, et une vue assez subtile pourrait encore les démêler dans le sang. Supposez qu'elles soient unies, seules cette fois, non plus à une âme humaine, comme la nôtre, mais à l'âme divine, et informées par celle-ci, elles deviendront, en vertu de cette union et information, le corps divin de cette âme divine, la chair et le sang de Jésus-Christ lui-même. Toute la difficulté (encore fallait-il qu'il en restât, puisque c'est un mystère) consiste en ce que nous n'avons plus ici que du pain et du vin pour fournir la matière du corps, au lieu d'avoir, comme pour l'homme, à la fois des aliments, du sang et des membres ' Mais, ceci mis à part, il n'y a pluo de miracle : nous trouvons simplement un cas particulier d'une grande loi, celle de l'union de l'âme et du corps, ou bien une application spéciale de la notion de cette union, laquelle est rangée par

a. Tome IV, p. i63, 1. 24, à p. i65, 1. 6. Surtout p. 165, 1. 2-3.

b. Ibi4., p. 166, 1. I, à p. 169, 1. 24.

c. Ibid., p. 168, 1. 8-29.

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